« Pour les Français, la retraite est un horizon. Et la définition d’un horizon, c’est une ligne qui s’éloigne à mesure qu’on s’en approche », explique, mi-figue, mi-raisin, un conseiller en gestion de patrimoine. Or, à 50 ans, la retraite est encore loin : douze à quatorze ans actuellement. Et demain, avec l’allongement de la durée des cotisations, plus encore…
Les quinquas bénéficient pourtant d’une situation avantageuse. Dans l’ensemble, ils disposent d’un patrimoine supérieur à la moyenne. Celui-ci est même deux fois plus élevé que celui des trentenaires, avec de l’assurance-vie, un peu d’actions, et de l’immobilier. Beaucoup d’immobilier : il constitue deux tiers de leur patrimoine, et la résidence principale y tient une place de choix. C’est agréable, c’est prestigieux, mais cela ne met pas de beurre dans les épinards.
Changement de stratégie
Il faut donc faire un effort d’épargne supplémentaire, mais en tenant compte des besoins spécifiques. Au pic de sa carrière, le salaire du quinqua est confortable, ses principaux emprunts sont remboursés, ses enfants sont (presque) casés. Bref, il gagne bien sa vie, mais il est aussi « étranglé » par les impôts. Il lui faut donc épargner sans trop recourir à l’immobilier, synonyme de revenus et, par conséquent, d’impôts supplémentaires. Alors, adieu dispositif Pinel et autres meublés professionnels. A moins qu’en face le quinqua ne soit capable d’effacer ces revenus locatifs par le système du déficit foncier, c’est-à-dire qu’il ait suffisamment de travaux ou d’intérêts d’emprunt à déduire…
Dans un rapport noté de juillet, le Conseil d’orientation des retraites(COR) pointe d’ailleurs la tendance des Français à changer leur stratégie à la cinquantaine. Lorsqu’on s’approche de la retraite, note le COR, « l’immobilier représente encore la majeure partie du patrimoine, mais le patrimoine financier y prend une place importante : 41 % ». Un parcours que ne renierait pas Philippe Boublil, chef d’entreprise dans la téléphonie : propriétaire d’une quinzaine d’appartements qu’il loue, il investit désormais sur des produits financiers type Perp et assurance-vie : « Pour moi qui suis taxé à 41 %, c’est le seul moyen d’éviter que mes futurs gains partent en impôts… comme le fait une grande partie de mes revenus locatifs ! »
Les deux axes sur lesquels le quinqua va devoir travailler sont simples. Le premier, c’est de jouer sur l’optimisation de sa carrière. A 40 ans, il a reçu un premier relevé de la Cnav. Il est donc parfaitement au courant des droits qu’il a déjà acquis pour sa retraite. Il a pu faire corriger les éventuelles omissions et vérifier qu’il avait bien validé ses quatre trimestres de retraite par an. « En tant que cadre, le quinqua doit aussi étudier le rachat de ses années d’études : le rapport entre le coût de cette opération et les bénéfices à la retraite est très élevé », explique Emmanuel Grimaud, président de Maximis Retraite. Un cadre de 53 ans qui rachète six trimestres dépensera 22 500 euros, mais augmentera sa retraite annuelle de 3 500 euros : il aura amorti son investissement en un peu plus de six ans.
Perp et Madelin
Les produits tunnels, qui combinent réduction d’impôt à l’entrée, épargne longue et sortie en rente, sont aussi une bonne solution. « Depuis dix ans, Perp pour les salariés et Madelin pour les non-salariés ont vu leurs encours progresser davantage que ceux des autres produits d’épargne », confirme Olivier de Fontenay, associé de la société de conseil Eres. « Le Madelin est un produit souple et performant que je conseille à mes clients indépendants depuis des années… », confirme Pascale Gauthier, associée du cabinet de conseil Novelvy. Mais le préféré des Français, c’est le Perp. Douze ans après sa création, il décolle enfin. En 2014, 104 000 Perp ont été ouverts, soit 21 % de plus qu’en 2013, pour atteindre les 2,28 millions de contrats.
A la base du succès de ces deux produits, la carotte fiscale. Ils permettent en effet de déduire de ses revenus le montant des versements, dans la limite de 10 % du bénéfice (ou des revenus) de l’année, plafonné à 30.038 euros pour 2015 pour le Madelin et le Perp. Cela signifie que leur intérêt dépend beaucoup de la tranche d’imposition du souscripteur. Ainsi, un épargnant qui verse sur son Perp 10 000 euros bénéficiera d’une économie d’impôt de 4 100 euros si son taux marginal d’imposition est de 41 %, mais de seulement 1 400 euros si son taux est de 14 %.
Mais ces dispositifs n’ont pas que des vertus. La sortie, obligatoirement sous forme de rente viagère, ne plaît pas à tout le monde, même si l’épargnant peut, avec le Perp, récupérer 20 % de son capital. Ces produits sont aussi très gourmands en frais, ce qui explique qu’un Perp rapporte en moyenne entre 0,3 et 0,5 point de moins qu’un contrat d’assurance-vie équivalent. « Il faut le juger sur la globalité de l’opération et prendre aussi en compte son efficacité en matière d’impôt. Pour ceux qui ont un taux marginal d’imposition élevé, à 41 et 45 %, l’économie d’impôt compense largement une rémunération légèrement inférieure », argumente Benoît Gommard, responsable de la stratégie client de BNP Paribas Cardif.
Enfin, sa principale force – bloquer l’épargne en vue de la retraite – est aussi sa principale faiblesse, car il empêche l’épargnant de disposer librement de ses économies. Jean- Pierre Rondeau, conseil en family office et président de La Compagnie des CGPI, leur préfère l’assurance-vie, qui, dit-il, « permet de conserver la disponibilité de son épargne et évite la rente viagère, synonyme d’aliénation du capital ».